Vivre avec l’assistance cardiaque

📌Moralement

Survivre grâce à « une machine » peut ne pas être pas simple …..
Cette survie concerne directement « l’organe cœur », représentation emblématique et symbolique de nos sentiments, de nos émotions de ce qui nous unit à nous-même et aux autres, et de la vie.

Le parcours avec « le cœur machine » quel qu’il soit met à rude épreuve la résistance physique et morale du patient l’obligeant à « se reconstruire de l’intérieur » en devant affronter de surcroît l’attente de la transplantation cardiaque. Il va sans dire ainsi que les proches (famille, amis) sont également impactés par une telle aventure qui vit toujours dans l’inquiétude.

Ce parcours est jalonné d’angoisses, de réaménagements psychologiques profonds et importants (perte de son organe de naissance, acceptation du remplacement par « la machinerie interne », acceptation de la « machinerie externe ». Le patient est « en confrontation directe » aux sens de la vie, sur fond de réadaptation physique suite aux hospitalisations longues en réanimation, en service de cardiologie plus traditionnel puis en service de réadaptation cardiaque pour enfin entrevoir le retour à domicile.

Certaines personnes peuvent se retrouver en grande difficulté pour se projeter à court terme, à moyen terme dans une vie quotidienne qui doit être aménagée pendant une période de transition pour l’inscription ou la réinscription sur liste de greffe.

Le patient doit alors affronter des peurs liées à l’attente (il se demande si on va l’appeler, bien qu’il soit inscrit, combien de temps à attendre avant d’être greffé), et la peur de l’échec de la greffe.

La période post-opératoire de la greffe n’est pas moins facile car, bien qu’il soit soulagé d’avoir pu bénéficier d’une transplantation, le patient affronte d’autres angoisses. Effectivement, le patient a des sentiments parfois contradictoires :
la culpabilité d’avoir souhaité secrètement la mort d’un donneur la joie de savoir qu’une nouvelle vie s’ouvre à lui, la gratitude d’avoir reçu un organe

la méfiance vis-à-vis de ce corps étranger qu’il doit s’approprier à nouveau (battements cardiaques ressentis différemment) la peur du rejet, la désillusion de constater que les difficultés conjugales, familiales et/ou professionnelles rencontrées avant la détérioration de son état de santé n’ont pas disparues

Bien que le greffé soit heureux du remplacement de son organe défaillant, il peut avoir l’impression d’avoir été mutilé. Son apparence a changé, ses cicatrices le lui rappellent, et il doit se familiariser avec une image corporelle moins séduisante. Les effets secondaires des médicaments peuvent être très perturbants.

Tenter de penser l’intériorité de son corps est sans doute une autre manière de penser le monde.

Cela porte l’idée d’une continuité de l’être humain dans son psychisme, dans son corps et dans le temps.

Chantal Psychologue en CHU

📌Physiquement et dans la vie de tous les jours

La greffe n’est pas possible et mon cœur est très fatigué. J’ai porté une assistance cardiaque pendant 16 mois, du 4 avril 2016 au 18 août 2017. Forcément il a fallu que ma turbine et moi on devienne copain-copain. Il a bien fallu que je m’accommode de la présence en moi de cette assistance ventriculaire. À certains moments j’ai ragé, je trouvais la machine envahissante mais parfois je me sentais reconnaissant de pouvoir survivre.

Se lever la nuit avec une autonomie de 20 pieds et se rendre compte que la porte de la salle de bain ferme difficilement à cause du fil, c’est un peu choquant. Se lever et devoir mettre ses batteries pour aller à la cuisine préparer mon déjeuner c’est un rituel auquel il faut impérativement s’habituer.

Tous les lundis, mercredis et vendredis, je me suis entraîné au gym, histoire de maintenir un cadre de vie, de renforcer ma musculature et stimuler mon cœur. Bien sûr au début certains avaient tendance à me regarder avec un drôle d’air ou encore à surtout ne pas me voir. Je ne cachais pas mon attirail, batteries, contrôleur et bretelles étaient bien visibles. Voilà c’est moi me disais-je. À prendre ou à laisser. J’ai été agréablement surpris des progrès rapides que m’a permis mon assistance. Mes capacités ont vite dépassé celles de l’insuffisant cardiaque que j’étais.

Le mardi matin j’ai repris la randonnée en forêt avec mon groupe d’amis. Je me suis vite rendu compte que je n’avais plus besoin de leurs demander de faire des pauses, non seulement je suivais, mais souvent je me retrouvais en tête du peloton. Les batteries pèsent lourdement sur mes hanches mais elles me permettent d’avoir le plaisir de marcher et passer du temps avec mes amis. Il faut traîner en tout temps des batteries et un contrôleur supplémentaires au cas où. L’ensemble pèse environ 2,5 Kilos.

Pour prendre ma douche il faut me saucissonner avec une pellicule plastique pour protéger la plaie et éviter toute infection, ma hantise. De plus il faut placer les batteries et le contrôleur dans un sac imperméable et faire attention de ne rien mouiller. Fonctionnel mais pas relaxant.

Porter une assistance cardiaque c’est aussi l’affaire du couple. Deux fois par semaine il fallait que mon épouse change le pansement recouvrant l’entrée du fil d’alimentation. Il a fallu qu’elle soit formée à cet effet et sa dextérité a permis de m’épargner toute infection. La technique de changement de pansement nécessite un peu de discipline et environ 45 minutes.

L’assistance m’a redonné une vie presque normale mais surtout un petit miracle s’est produit, je suis redevenu candidat à la greffe et le 18 août 2017 j’ai reçu le précieux cadeau qui m’affranchissait de la machine. Mon quotidien a encore changé mais ça c’est une autre histoire.

Pierre Dargis (ancien porteur)